Hersiphar, le perdu

Le vieux prophète soupire : « Vous vous intéressez donc à cette histoire… ». Il vous fait signe de le suivre, dans une salle un peu plus reculée de ses luxueux appartements. Il est très vieux, même pour un eldar. Sa démarche est lente, mais reste assurée, comme pour garder un minimum de fierté. La salle est sombre, éclairée par le plafond, par une large sphère légèrement luminescente. Il vous fait signe de vous assoir, sur un siège confortable. Une fois que vous vous êtes installé, et qu’un rafraichissement vous a été servi, il commence à vous parler : « Cette question que vous me posez… c’est une bonne question. Car on peu en tirer enseignement, et ne plus commettre certaines erreurs. Vous savez, il y a quelques cycles, un mon-keigh est venu me poser la même question. Je lui ai répondu comme je vais vous répondre, mais lui n’a pas saisit le sens profond, l’enseignement à tirer de cette histoire. J’espère que votre noble sang vous permettra de le saisir. »

Il regarda vers le plafond, la main lissant sa fine barbichette blanche. Il se plonge dans ses pensées… ou alors recherche l’histoire écrite dans les murs de cette bâtisse.
« Cette histoire commence il y a très longtemps… j’étais si jeune, à l’époque. Jeune… et insouciant, la vie ne m’avait encore rien appris. » Il se redresse, et place la paume de sa main un peu plus haut que le rebord de la table centrale. « Je n’étais pas plus haut que ça. Je tirai mes premiers enseignements de la voie de l’eldar. Et j’étais dans un groupe intéressant… mais écoutez plutôt. »

Les combats sont terminés. Le champ de bataille retrouve peu à peu son calme, mais gardera les stigmates des combats encore longtemps. Telle est la cruauté de la guerre : la terre elle-même ne s’en remet qu’après des générations.
Les forces d’Iyanden sont une nouvelle fois victorieuses.
Les guerriers aspects sont occupés à achever les blessés ennemis. Des formes chaotiques. Un avant poste si loin de leurs zones d’influence… peut être était-ils venus étudier les tau… ou alors les tyranides.
Bah, l’attaque était très bien organisée, et a tourné en la faveur des eldars dès les premiers coups de bolt et volées de lasers. Et l’avant poste n’était plus qu’un souvenir.

Comme le veut la tradition, mais aussi la sécurité, les jeunes archontes, sous la garde de leur prophète instructeur, avaient passé leur première bataille loin des combats, tirant enseignement du travail de leurs ainés. C’est ce groupe qui se trouve maintenant autour d’une armure énergétique noire, dont le communicateur continue faiblement à maudire les eldars. Son âme n’a pas encore quitté son corps.
« Bien. Vous avez observé les combats. Je veux maintenant voir de quoi vous êtes capables. Montrez-moi ce que l’on vous a enseigné, l’étendue de vos pouvoirs » Dit le prophète instructeur.
Le jeune archonte Phyrydias savait qu’il n’avait pas besoin de participer à cet exercice. C’était lui qui avait créé une brume psychique de dissimulation sur le groupe, tout le long des hostilités. L’instructeur avait d’ailleurs été très étonné. Non, il regardait son ami, celui avec qui il partageait son espace de vie, son binôme, son confident. Hersiphar. IL avait toujours du mal avec les capacités psychiques. Et il restait en retrait du groupe, comme de peur que l’instructeur ne le désigne.
Un apprenti archonte s’avança enfin. Il tend les bras vers sa cible, et de fins éclairs bleutés les parcourent. Un éclair sauta de ses mains, fit un arc de cercle maladroit et frappa un autre archonte, en face de lui.
Un « Aïïïeuh ! » résonna et il se laissa tomber, de surprise. Il se releva, bienheureux que ce ne fût qu’une faible décharge, regardant son assaillant d’un regard meurtrier, tandis qu’un rire glauque et à demi étouffé sortit du communicateur du renégat humain.
« Est-ce dont tout ce dont vous êtes capables ? » l’instructeur parlait violemment, balayant les archontes du regard. Phyrydias repère Hersiphar porter la main au pommeau de sa lame sorcière. Il s’élance au centre, debout sur l’armure noire, et enfonce la lame dans le torse, jusqu’à la poignée. Un coup à l’angle parfait. La lame a attaqué l’armure comme si elle était constituée de carton. Le renégat gémit, avant de s’éteindre. Hersiphar retira la lame, contemplant le sang qui coulait sur le tranchant mono moléculaire.
« J’aurai préféré voir vos… pouvoirs. Mais je suis forcé d’admettre que le résultat est concluant. » Le prophète s’est calmé, et contemple également la lame ensanglantée. « Bien. Nous en avons terminé. Je transmettrai mon rapport à vos instructeurs habituels, sur le vaisseau monde. Retournons à la navette. »

Durant le trajet du retour, Phyrydias se place, comme à son habitude à côté d’Hersiphar. Et lui demande : « Désires-tu continuer la voie de l’archonte ? »
Hersiphar répondit instantanément : « Et toi ? »
« Moi ? Bien sûr. Je suis passionné de stratégie militaire, mais je suis déjà doué dans le contrôle de mes aptitudes psychiques. Je veux devenir prophète, et guider les âmes du vaisseau vers un destin meilleur… tu n’as pas répondu à ma question… »
« Je vais arrêter là, je crois. J’ai du mal avec le psy… »
« Tu abandonnes la voie du guerrier ? »
« Non, ça, je ne saurai m’en passer. Je rejoindrai un temple aspect, et combattrai ainsi, c’est mieux pour moi, j’en suis sûr. Je pense aux scorpions. »
Phyridias sursauta : « Les scorpions ? Mais tu utilise une lame énergétique comme personne ! C’est les banshees qu’il faut contacter ! »
« Tu me connais… j’ai toujours aimé surprendre ma proie… me tapir dans l’ombre… tiens, l’autre fois au dortoir, lorsque je me suis baladé partout, en pleine nuit, sous le nez de tout le monde ! Ils n’ont rien senti ! Alors courir sur le champ de bataille en hurlant… je préfère les actions discrètes… »
Phyrydias ne répondait pas. Effectivement, ça ce tiens. Mais Iyanden ne manque pas de scorpions, contrairement à d’autres vaisseaux mondes… Cela signifiait qu’Hersiphar allait partir… et il le sait. Il n’en a pas parlé avant, mais il le sait. Et il se le cache… Il lui manquera, à lui aussi.
Hersiphar dit doucement « je reviendrais te voir lorsque je serai exarque. A ce moment, tu seras prophète, pas vrai ?
« Sûr ! Je viendrai moi-même te voir, lorsque je serai prophète ! Et je le serai avant que tu ne sois exarque ! »
« C’est ce que l’on verra ! »
Phyrydias pensait encore à ces paroles lorsqu’il regarda Hersiphar, avec son armure neuve de scorpion, rejoindre la toile en direction de Biel-Tan.